Introduction
Dans le cadre du maraîchage biologique, la réussite d’une culture d’épinards repose autant sur la fertilité et la santé du sol que sur la maîtrise des adventices et des maladies. L’utilisation d’un engrais vert de fabacées (anciennement légumineuses) avant la culture des épinards constitue une stratégie particulièrement efficace pour répondre à ces objectifs. Les fabacées, en symbiose avec des bactéries rhizobiennes, sont capables de fixer l’azote atmosphérique et de l’intégrer dans le sol sous une forme assimilable par la plante suivante. Cette richesse azotée naturelle est essentielle pour les épinards, culture exigeante en nutriments pour développer un feuillage dense et vigoureux, tout en respectant les principes de l’agriculture biologique, sans recourir à des fertilisants de synthèse.
Le trèfle d’Alexandrie (Trifolium alexandrinum) se distingue parmi les fabacées par sa croissance rapide, sa capacité à produire une biomasse abondante et sa faculté à enrichir efficacement le sol en azote. Adapté aux conditions de serre, il peut être implanté aussi bien à l’automne qu’au printemps, offrant ainsi une flexibilité pour organiser les rotations culturales. Sous serre, la culture de trèfle d’Alexandrie bénéficie d’un environnement protégé : températures modérées, humidité contrôlée et lumière suffisante favorisent une croissance optimale et une activité rhizosphérique maximale. Les racines et nodules du trèfle stimulent la microflore du sol, créant un microécosystème dynamique qui contribue à la disponibilité rapide de l’azote et au maintien de la santé racinaire des épinards.
Au-delà de l’apport nutritif, le trèfle d’Alexandrie améliore la structure et la porosité du sol, favorise la rétention d’eau, et participe à la réduction de l’érosion. Sa biomasse, une fois broyée et incorporée, libère progressivement l’azote et stimule la microflore dégradant la matière organique, créant un sol vivant prêt à accueillir les épinards. Cette approche intégrée permet non seulement de maximiser la croissance des épinards, mais également de maintenir un équilibre biologique favorable, limitant l’incidence des maladies racinaires et contribuant à un système de production durable et autonome.
Ainsi, précéder les épinards d’une culture de trèfle d’Alexandrie sous serre constitue une stratégie de rotation biologique intelligente, qui combine fertilité naturelle, santé du sol et optimisation de la croissance des cultures, tout en respectant les exigences d’un maraîchage biologique performant et durable.

1️. Mise à disposition rapide de l’azote
- Le trèfle d’Alexandrie est une légumineuse à croissance rapide, capable de produire beaucoup de biomasse en peu de temps.
- Ses racines et nodules fixateurs d’azote contiennent de l’azote organique et ammoniacal facilement minéralisable.
- Lorsqu’on coupe ou incorpore le trèfle, une partie de cet azote devient rapidement disponible pour les cultures suivantes, souvent en quelques semaines, ce qui correspond bien aux besoins azotés élevés des épinards.
- L’azote est libéré progressivement, surtout si les résidus sont broyés finement et laissés en contact avec le sol, réduisant le risque de lessivage.
2️. Proximité avec les bactéries symbiotiques
- Trèfle d’Alexandrie héberge dans ses nodules des rhizobiums spécifiques, très actifs et efficaces pour fixer l’azote atmosphérique.
- Ces bactéries peuvent :
- Persister temporairement dans la rhizosphère après incorporation du trèfle, favorisant une minéralisation plus rapide de l’azote.
- Stimuler la microflore bénéfique du sol, qui participe à la décomposition des résidus et à la santé racinaire des épinards.
- Cette proximité microbienne permet une interaction synergique : la rhizosphère devient un microécosystème actif qui soutient la nutrition azotée et la santé du sol.
3️. Effet de la rhizosphère sur la culture suivante
- La rhizosphère du trèfle enrichit le sol en :
- Bactéries bénéfiques (fixatrices d’azote, phosphate-solubilisantes, mycorhizes potentielles).
- Exsudats racinaires qui stimulent la dégradation de la matière organique et la disponibilité des nutriments.
- Les épinards profitent ainsi :
- D’une nutrition rapide en azote et oligo-éléments.
- D’un sol vivant et actif, moins vulnérable aux pathogènes racinaires et plus favorable à un développement racinaire dense.
4️. Points pratiques
- Incorporation : broyer finement le trèfle avant de semer les épinards pour maximiser la libération d’azote.
- Délai de 1–2 semaines : nécessaire pour éviter un excès d’humidité ou phytotoxicité mais assez court pour profiter de l’azote rapidement.
- Pas de compétition avec les nodules : les bactéries symbiotiques restent actives dans la rhizosphère, même après incorporation.
Conclusion
Le trèfle d’Alexandrie offre un double avantage pour la culture suivante d’épinards :
- Apport rapide et disponible d’azote, adapté aux besoins foliaires élevés.
- Activation et enrichissement de la rhizosphère grâce aux bactéries symbiotiques et aux exsudats racinaires, améliorant la santé globale du sol et la vigueur racinaire des épinards.
Schéma de succession Trèfle d’Alexandrie → Épinards
1️. Phase Couvert – Trèfle d’Alexandrie
- Semis : début ou milieu de saison selon température sous serre.
- Croissance : 4–6 semaines pour produire une biomasse rapide et dense.
- Rhizosphère active :
- Nodules fixateurs d’azote actifs.
- Microflore bénéfique stimulée par exsudats racinaires.
- Effet sur le sol : amélioration structure, humus, aération, richesse microbienne.
2️. Phase Incorporation / Broyage
- Moment : juste avant reprise de culture des épinards.
- Actions :
- Broyage fin de la biomasse aérienne.
- Incorporation superficielle (10–15 cm) dans le sol.
- Effets immédiats :
- Libération rapide de azote minéralisable.
- Activation de la microflore dégradant la matière organique.
- Maintien d’une rhizosphère dynamique pour soutenir la culture suivante.
3️. Phase Culture suivante – Épinards
- Semis / plantation : 1–2 semaines après incorporation (délai suffisant pour éviter excès d’humidité ou phytotoxicité).
- Bénéfices :
- Nutrition azotée rapide → feuillage dense et croissance vigoureuse.
- Sol vivant et actif → meilleure santé racinaire et absorption des nutriments.
- Réduction de maladies racinaires grâce à la microflore bénéfique persistante.
Points clés à retenir
- Le trèfle d’Alexandrie sert à la fois de couverts fertilisant et de stimulant de rhizosphère.
- L’effet azoté est rapide, mais dépend de la biomasse produite, du broyage et de l’humidité du sol.
- Une rotation courte et bien gérée maximise les bénéfices pour les épinards sous serre.
Conclusion

En conclusion, l’implantation d’un engrais vert de fabacées comme le trèfle d’Alexandrie avant une culture d’épinards sous serre apparaît comme une stratégie particulièrement pertinente pour les maraîchers biologiques. Cette approche permet de fournir rapidement un apport azoté naturel, de stimuler la microflore bénéfique du sol grâce à la rhizosphère active, et d’améliorer la structure, la porosité et la rétention en eau du sol. La biomasse produite constitue également un recouvrement protecteur contre l’érosion et favorise la libération progressive des nutriments nécessaires à la croissance vigoureuse des épinards. L’ensemble de ces effets contribue à une culture plus saine, plus productive et à un système de rotation durable.
Au-delà des épinards, de nombreuses autres cultures maraîchères peuvent bénéficier de la mise en place préalable d’une fabacée : par exemple, les, choux-fleurs ou les blettes profiteront eux aussi d’un sol enrichi en azote et d’une rhizosphère active. Ces engrais verts peuvent également servir à préparer des sols pour des cultures plus exigeantes en azote, comme les poireaux, céleris ou les brocolis, en améliorant la disponibilité des nutriments et la résilience du sol.
Enfin, si le trèfle d’Alexandrie présente des avantages indéniables, d’autres fabacées peuvent avantageusement le remplacer ou compléter sa fonction selon les conditions de culture et la période de rotation : par exemple, le trèfle violet ou le trèfle incarnat en automne, ou encore la fève ou le pois fourrager au printemps. Ces alternatives permettent de moduler la durée de couverture, la production de biomasse et la quantité d’azote fixée, tout en adaptant la stratégie de fertilisation naturelle aux besoins spécifiques des cultures suivantes.
Ainsi, l’usage réfléchi de légumineuses en rotation constitue un levier puissant pour la fertilité naturelle, la santé du sol et la productivité durable en maraîchage biologique, tout en offrant une flexibilité et une diversité adaptées à différents types de cultures et calendriers de production.
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